C’est une question qui revient souvent chez les parents qui s’intéressent à la parentalité positive: face à un autre parent qui s’énerve, face à une grand-mère qui n’écoute pas un enfant, face à un enseignant qui a du mal à gérer sa classe et qui utilise ses propres solutions…. Ce n’est pas bienveillant, elle n’est pas dans la bienveillance ! Et surtout, quand on creuse un peu, les parents ont tendance à catégoriser tous leurs propres agissements en « bienveillant » / « pas bienveillant. Et à beaucoup culpabiliser quand ils n’arrivent pas à être bienveillants.
Quand j’étais jeune maman et depuis mon enfance, j’avais pour habitude de classer les choses, les gens, les comportements en « bien » ou « pas bien / mal« . Comment savoir ce qui était bien de ce qui ne l’était pas?
Puis quand j’ai découvert l’éducation non violente, j’ai commencé aussi à faire des catégories « bienveillante » / « pas bienveillante ». Pour moi et pour les autres. Remarquez bien que cela revient en fait strictement au même, puisque ce qui n’est pas bienveillant du coup, c’est maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaallll ! En fait, je me fiais à un jugement extérieur pour guider mon comportement. Est-ce que je suis une bonne mère ou une mauvaise mère, là? Et quand je classais les autres dans l’une ou l’autre catégories, c’était surtout pour me rassurer moi… que j’appartenais bien à la bonne catégorie. Le problème quand je fais cela, c’est que je me regarde moi plutôt que d’être à l’écoute de ce qu’il se passe, d’être à l’écoute de mon enfant. D’ailleurs mon fils me le faisait bien savoir…. Et mon problème était que je n’arrivais pas à être à l’écoute et que mes problèmes ne se résolvaient pas du tout. Les meilleurs outils de la parentalité positive peuvent être complètement inefficace si ils sont utilisés dans l’intention d’être « bienveillant ». Pour pouvoir être efficace pour résoudre des conflits, il y a besoin d’être à l’écoute de l’autre, surtout quand on est face à un enfant. Pas en train de juger son propre comportement. Biensûr, prendre du recul est important, mais pas à coup de jugement.
Tout jugement cache toujours une émotion
Pour sortir de cette situation, c’est nécessaire de sortir du jugement et d’aller chercher ce qu’il y a derrière. Autrement dit aller voir quelle émotion se cache en nous, derrière le jugement. Le jugement est une défense pour ne pas sentir ce qu’il se passe en nous. C’est lui qui nous amène à penser « mais qu’est-ce qu’elle est capricieuse cette gamine ! », c’est à dire à faire des interprétations sur l’autre, au lieu de réaliser qu’on se sent impuissant ou démuni…
Alors, plutôt que bienveillant / pas bienveillant, qu’est-ce que je ressens?
Que vit l’autre de son coté?
Je ne peux pas me tromper si j’écoute avec empathie mes besoins, ceux de l’enfant ou de l’autre personne et que je cherche des solutions qui concernent l’avenir. Et on ne peut pas être à l’écoute d’un enfant si on n’est pas à l’écoute de soi… pour être en empathie il est nécessaire de ressentir. Or, être dans le jugement « bienveillant / pas bienveillant » nous sort de notre ressenti pour nous emmener dans notre raisonnement, dans notre tête, loin de nos émotions.
Comment faire en pratique?
Quand je suis confronté à une situation difficile pour moi, je peux me centrer sur mes sensations, sur ma respiration, pour faire un pas de coté. Je peux me mettre à l’écoute de ce que me dit mon corps. Biensûr, mon mental m’emmènera souvent ailleurs, vers un jugement sur ce que fait l’autre, sur ce que je dis ou fais, mais je peux choisir quand c’est le cas de revenir vers ce que je ressens. Certains choisissent de sortir de la pièce s’ils se sentent trop en colère par exemple, face à un enfant qui tape. Lorsque mon enfant vit quelquechose de difficile, je peux me rappeler que ce dont il a souvent le plus besoin c’est de se sentir entendu, compris, et me mettre à l’écoute avec empathie.
Et la culpabilité?
Souvent quand nous sommes dans le jugement de nous même, nous ressentons beaucoup de culpabilité quand nous n’agissons pas « comme il faut ». Et nous sommes toujours dans ce jugement de nous même… si j’apprends à me dire « j’ai fait du mieux que j’ai pu à ce moment là », je pourrai regarder avec beaucoup plus d’acuité ce que j’ai ressenti et ce qui m’a amené à réagir comme je l’ai fait. Et c’est important, car c’est en faisant ce travail que je pourrai apprendre de mes erreurs éventuelles. J’ai besoin de me regarder avec empathie et amour pour apprendre des situations que je vis. La culpabilité, si elle n’est pas dépassée, empêche d’apprendre de ses erreurs car elle nous amène à nous coller des étiquettes : « je suis incapable », « je n’y arrive jamais », « je ne suis pas comme les autres ». Et comme toutes les étiquettes, elles finissent par nous coller tellement à la peau que nous n’arrivons plus à en sortir tellement chaque situation semble confirmer ce que nous pensons de nous mêmes.
Et les autres alors ?
Si l’autre n’est pas bienveillant…. que cache mon jugement sur lui? Eh oui, aussi une émotion !
Souvent, c’est l’enfant en moi qui a vécu une situation semblable et qui ressent de la colère face à cet adulte. Si l’on a à coeur d’aider les autres à changer, il est très important de travailler sur ce que nous ressentons en voyant ces autres faire, sur les émotions qui surgissent et nous informent de ce que nous avons pu vivre enfant et qui n’a pas été résolu bien souvent. Ce n’est souvent que quand j’ai pu travailler sur ce que je ressens que je vais pouvoir réellement entendre ce qu’il se passe pour l’autre personne et être en mesure de l’aider si elle le souhaite.
Quoique fasse la personne en face de moi, mon jugement la braquera ou l’enfoncera (selon son caractère), ce qui n’est sans doute pas mon objectif. Si cela peut donner l’impression que cela fait du bien, de lui envoyer ce que nous pensons de lui dans la figure, cela aura souvent pour résultat de rendre la relation peu harmonieuse et agréable et d’ancrer cette personne dans le comportement qu’on n’apprécie pas.
Par exemple, face à un adulte qui laisse pleurer un bébé, je peux aussi entendre qu’elle a peut être des informations erronées sur les pleurs des enfants, ou peut être que ce n’est pas possible pour le moment pour elle ou lui d’être à l’écoute de l’enfant. Comment faire, que dire?
Face à un adulte qui met une fessée, je ressens souvent de la colère. Si j’identifie ma colère, je peux prendre un peu de recul (ça me prend souvent de longues minutes pour ma part, parfois plusieurs jours!) et enfin voir la situation sous un angle différent : ce qui a motivé la fessée, c’est souvent la colère du parent ou son impuissance à régler la situation et prendre soin de ses besoins. Il a souvent eu une réaction automatique. Ce qui peut aider un parent qui est sur le point de mettre une fessée, c’est que quelqu’un l’aide à identifier sa colère, à mettre des mots dessus. Je me souviens d’un papa qui avait raconté à une réunion qu’il avait alors dit à l’enfant : « Waouw ton papa, il a l’air drôlement en colère ! ». Et le papa s’était apaisé. L’écoute aide à réagir moins vivement.
Face à un enseignant qui utilise des méthodes qui ne me conviennent pas et me font craindre pour mon enfant, si j’arrive avec mes gros sabots et mes conseils ou mes informations, il risque d’entendre : « vous êtes incompétent! », ce qui n’est pas de bon augure pour qu’il s’ouvre à d’autres façons de faire. Et d’ailleurs, si mon intention est qu’il change absolument, je risque d’échouer car il le sentira probablement. On dit toujours qu’un bon conseiller commence par se faire embaucher : le secret pour ces situations, c’est l’écoute et le lien, avant tout. Écouter ce que vit l’enseignant et valoriser ce qu’on apprécie de lui. Et c’est certainement plus facile de le faire avant que des problèmes surgissent ! Nous sommes tous prêts à entendre des conseils d’une personne quand nous sommes sures qu’elle ne nous juge pas, nous apprécies à notre juste valeur et ne cherche pas à nous changer mais juste à nous aider. Et quand nous avons pu exprimer la situation vue sous notre regard.
L’empathie, pour et pour l’autre, est une clé incroyable pour résoudre bien des situations et sortir de cette dualité bienveillant / pas bienveillant.
Bonne rentrée à tous !
ca plaisir de lire un texte écrit avec bienveillance sur la bienveillance, merci beaucoup pour cette douceur.
merci Géraldine ! 🙂
La culpabilité semble être en effet la meilleure amie des parents ( bienveillants ou non 😉 voici ma méthode pour s’en débarrasser
http://www.droledemaman.com/ma-vieille-copine-la-culpabilite/
Merci, ça m’éclaire beaucoup sur ce que je ressens. Et je comprends maintenant pourquoi je n’y arrive pas toujours avec ma fille. Je suis dans le jugement d’être bienveillante ou pas, d’être une bonne mère ou non… Et effectivement ça ne fonctionne pas, ni pour moi, ni pour elle.
Merci pour cet article éclairant!
Ouf! Pas dogmatique; pas sectaire. Juste ce dont j avais besoin comme réconfort ce soir où je me sens moche parce que je catégorise à peu près tous les comportements de tout le monde et que les miens sont imparfaits. Ca me déçoit de moi même, comme je suis déçue souvent, vous imaginez bien, des autres. Quelle handicapée des habiletés sociales je fais! Comme plein de monde ordinaire. Dommage, j aurais voulu être tellement meilleure en tant qu’ humaine. Acceptez son ordinaire; son humanité imparfaite ça aiderait. Ce soir, cette publication m aide à le faire